Victoire historique devant la Cour suprême en Zambie : des milliards de dollars US en recettes fiscales supplémentaires et un message par-delà les frontières

Par Ignatius Mvula, Directeur adjoint, Unité de vérification dans le secteur minier, Administration fiscale de la Zambie, Mary Baine, Directrice, Programmes fiscaux, Forum de l’administration fiscale africaine, et Ben Dickinson, Chef de la Division des Relations internationales et du développement, Centre de politique et d’administration fiscales, OCDE


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En mai 2020, l’administration fiscale de la Zambie (ZRA) a remporté une victoire fiscale historique devant la Cour suprême contre Mopani Mining Copper plc. Le Tribunal a condamné l’entreprise à payer 240 millions de kwacha (13 millions USD) d’impôts supplémentaires. La décision tenait au fait que la Zambie devait baser la partie technique de son dossier en apportant la preuve de l’évasion fiscale par des stratégies de l’érosion de la base d’imposition et du transfert de bénéfices, ou BEPS.

  Partout dans le monde, des entreprises multinationales exploitent les failles et les inadéquations entre les règles fiscales internationales, occasionnant aux pays une perte s’élevant jusqu’à 100 à 240 milliards USD par an, soit l’équivalent de 4 à 10% des recettes totales de l’impôt sur les bénéfices des sociétés dans le monde. Par ailleurs, pour les pays en développement, leur dépendance proportionnellement plus élevée à l’égard des recettes de l’impôts sur les sociétés signifie qu’ils pâtissent de l’érosion de la base d’imposition et du transfert de bénéfices de manière disproportionnée. La Zambie ainsi que beaucoup d’autres pays africains indiquent que l’utilisation abusive des règles de prix de transfert – telle que la fixation des prix des biens et des services entre parties liées d’une entreprise multinationale – représente l’un des risques les plus élevés de BEPS pour leur assiette fiscale.

L’affaire Mopani a  été l’une des premières affaires complexes de prix de transfert résolues par l’administration fiscale de la Zambie. Le différend avec Mopani Mining Copper plc portait sur le prix du cuivre vendu à sa société actionnaire, Glencore International AG, située en Suisse. Forte des conseils et de la formation reçus au cours du programme d’assistance technique à long terme par le Forum sur l’administration fiscale africaine (ATAF), l’OCDE et le Groupe de la banque mondiale, l’administration fiscale de la Zambie a bâti son argumentaire de manière à faire valoir que Mopani Mining Copper plc avait vendu son cuivre à Glencore International AG à bas prix, minorant ainsi son bénéfice imposable et donc l’impôt dont elle était redevable. L’administration fiscale de la Zambie a allégué que les prix du cuivre vendus à Glencore International AG étaient beaucoup plus faibles que ceux pratiqués avec des tierces parties dans des transactions similaires. En décembre 2016, le Tribunal d’appel pour les affaires fiscales de Zambie a confirmé les redressements émis par l’administration fiscale de la Zambie. Mopani Mining Copper plc a interjeté appel devant la Cour suprême, qui le 20 mai 2020, a statué en faveur de l’administration fiscale de la Zambie.     

La Zambie a consenti d’importants efforts pour lutter contre les abus causés par le BEPS au cours des dernières années en renforçant les compétences de ses agents en matière de vérification fiscale et en améliorant le cadre législatif relatif aux prix de transfert et autres questions liées au BEPS.  En 2017, la Zambie a rejoint le Cadre inclusif de l’OCDE / G20 sur le BEPS, une collaboration internationale de 137 juridictions qui travaillent ensemble pour mettre un terme à l’évasion fiscale. Afin d’améliorer ses capacités de vérification en matière fiscale, la Zambie a rejoint le programme Inspecteurs des impôts sans frontières  (IISF) en 2018, et plus récemment le Programme fiscalité et développement : Soutien aux pays en développement sur les industries extractives, conduit par l’ATAF,  le Forum intergouvernemental sur l’exploitation minière, les minéraux, les métaux et le développement durable (IGF) et l’OCDE, qui apportent un soutien ciblé en matière de vérifications des prix de transfert dans le secteur minier et sur l’amélioration de la législation y afférente.

Depuis 2015, l’administration fiscale de la Zambie a obtenu d’excellents résultats sur ses travaux de vérification en matière de prix de transfert, notamment :
•             USD 133 millions d’impôts mis en recouvrement et
•             USD 111 millions d’impôts collectés.

La victoire historique remportée dans le cas de l’affaire Mopani envoie un message qui va au-delà des frontières de la Zambie, selon lequel les autorités fiscales africaines ont la capacité et la volonté de traiter des transactions complexes relatives aux prix de transfert. Ce litige complexe a duré longtemps et démontre l’importance d’un soutien continu et opiniâtre au renforcement des capacités, qui a permis aux équipes de juristes et de vérificateurs de l’administration de la Zambie de taxer les entreprises multinationales avec confiance et compétence et a débouché sur une collecte supplémentaire d’impôts au profit du gouvernement de la Zambie.

L’étude de cas de la Zambie appartient à une nouvelle série d’articles sur la fiscalité et le développement, dont le lancement est opéré aujourd’hui par le Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE ainsi que ses partenaires comme l’ATAF.  D’autres études de cas sur la Géorgie, l’Ouganda, le Pakistan, le Sénégal et la Tunisie suivront prochainement.