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Les politiques d’adaptation au changement climatique doivent prendre en compte les déplacements forcés

refugee climate environment development matters. Photo-Sebastien Goldberg-unsplash

Par Jason Gagnon, Chef d’unité, Migration et compétences, Centre de développement de l’OCDE, et Jens Hesemann, Conseiller principal en politiques, Direction de la coopération pour le développement de l’OCDE


Un ensemble de facteurs interdépendants poussent les populations à se déplacer de force. Parmi ces facteurs, les effets du changement climatique ont aujourd’hui une importance qu’ils n’avaient pas lors de l’élaboration de la Convention relative au statut des réfugiés en 1951.  Conséquence : les personnes déplacées aujourd’hui par les effets du changement climatique n’entrent pas dans le champ d’application de la Convention. 

Or les déplacements induits par le climat risquent d’augmenter de manière significative : environ 3.3 à 3.6 milliards de personnes vivaient en 2022 dans des contextes très vulnérables au changement climatique. La population mondiale exposée aux inondations fluviales, par exemple, augmentera de 120 % si le réchauffement climatique augmente de 2 °C, et l’on estime que ces inondations sont déjà à l’origine de 10 millions de déplacements internes chaque année. 



Des efforts sont déployés pour faire face aux déplacements liés au climat, mais ils sont cloisonnés et fragmentés, avec des lacunes persistantes, des chevauchements et une absence de hiérarchie claire. Les réponses actuelles aux déplacements forcés sont en grande partie de nature humanitaire, même si la plupart des déplacements sont non seulement prolongés, mais probablement permanents dans le cas des déplacements liés au climat. Par conséquent, ayant un fort impact sur l’avenir de notre planète, les déplacements induits par le climat exigent une approche plus structurelle, à long terme et axée sur le développement, parallèlement aux réponses humanitaires. Les pays doivent intégrer ces déplacements dans les priorités qu’ils définissent en matière de développement et d’adaptation au climat.

Comment les pays fixent-ils leurs priorités en matière d’adaptation au climat ?

Les priorités nationales en matière d’action climatique sont fixées par deux engagements distincts pris par les pays lors des précédentes conférences des parties (COP) :

Les deux représentent des engagements en matière d’adaptation, mais à des niveaux différents. Alors que les PNA visent à intégrer explicitement l’adaptation dans les processus de planification au niveau national, les CDN ont une portée plus large et fixent des objectifs nationaux pour relever les défis du changement climatique, y compris des mesures d’adaptation. Parmi ces mesures, citons le déplacement de la capitale indonésienne de Jakarta à Nusantara, la construction d’une muraille verte au Sahel et en Afrique de l’Ouest, l’identification et la protection ultérieure des réserves d’eau au Mexique et la création d’outils financiers de gestion des risques de catastrophe en Afrique.

Il faut souligner que les PNA et les CDN sont conçus pour définir les priorités, les objectifs et les engagements nationaux, ainsi que pour justifier et enregistrer les besoins de financement de la lutte contre le changement climatique auprès des partenaires internationaux. Ils ont donc également une importance politique et opérationnelle pour la mobilisation des ressources, y compris auprès des fournisseurs de coopération au développement tels que les membres du Comité d’aide au développement (CAD), en vue d’une action d’adaptation au changement climatique. 

Enfin, les deux séries de plans reposent sur le principe selon lequel nous devons nous adapter au changement climatique, et protéger les lieux et les moyens de subsistance auxquels nous tenons. Ils soulignent surtout la nécessité de se préparer et de réagir, et pas seulement de prévenir ces changements. Compte tenu de leur augmentation, il est donc essentiel de mieux se préparer aux déplacements induits par le climat.

Comment les déplacements forcés sont-ils pris en compte dans les engagements en matière d’adaptation au changement climatique ?

En analysant 42 PNA et 166 CDN, l’OCDE a observé qu’en 2023, seulement 36 % des pay mentionnent les déplacements forcés. Le constat est plus favorable pour les PNA : 48 % des États y incluent des dispositions concrètes sur les déplacements liés au climat, contre 14 % dans les CDN.

Lorsqu’ils traitent de la question des déplacements forcés, les PNA et les CDN révèlent les problèmes suivants :

L’inclusion des déplacements forcés dans les PNA et les CDN nécessite de mobiliser une volonté politique dans les pays touchés par le changement climatique et d’instaurer la confiance entre ces pays et leurs partenaires de développement, par le biais d’un engagement pluriannuel prévisible. Lorsque les pays et leurs partenaires prennent des engagements fermes et applicables, la volonté politique peut être mobilisée au fil du temps. Alors que s’annoncent le Forum mondial sur les réfugiés de 2023 et la COP28, un engagement à mieux intégrer les déplacements forcés dans les PNA et les CDN réaffirmerait la volonté de s’attaquer aux liens complexes entre la migration, les déplacements forcés, le développement et le changement climatique.

Par où commencer ?

Enfin, l’inclusion des déplacements induits par le climat dans les priorités des pays et de leurs partenaires doit faire l’objet d’un suivi dans le temps. On sait peu de choses sur l’intégration des personnes déplacées de force dans les services nationaux et l’économie formelle. Soutenir les pays concernés, en surveillant les données socio-économiques ventilées sur les déplacements, nous permettra d’être mieux informés et de prendre de bonnes décisions, y compris en ce qui concerne les efforts en faveur de l’action climatique.


Cet article est également disponible en anglais

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