Enjeux et défis du financement du développement dans la zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine post-COVID-19

Par Alain Tchibozo, Chef Economiste, Banque Ouest Africaine de Développement – BOAD

Endettement accru par les dépenses liées à la Covid-19

Le recours à l’endettement pour financer les plans de riposte et de relance économique explique principalement le fait que le déficit budgétaire des pays de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) se soit accru. Au plan des finances publiques, même en tenant compte d’un redémarrage de l’activité autour de 5.5% cette année (contre 1,5% en 2020), le déficit budgétaire global représenterait en 2021 près de 5,0% du PIB, après 5,4% en 2020. L’accumulation de déficits publics liés au financement de dépenses de fonctionnement des États apparaît de fait comme le principal facteur d’endettement public. Or la détérioration des finances publiques restreint l’accès futur des États à de nouveaux financements. En 2021, le service de la dette intérieure (paiement des intérêts et amortissement du principal) représentera plus de 50% du service total de la dette dans sept des huit États membres de l’UEMOA. En outre, la part des recettes publiques consacrée au service de la dette représente depuis 2020 plus d’1/3 des recettes totales dans sept États. Aussi, la question de la soutenabilité de la dette sera un enjeu crucial pour les États de la zone ces prochaines années.

Besoins accrus de financement du développement

Dans le même temps, la perspective d’une réouverture graduelle des économies occidentales, moteur de la reprise des échanges internationaux, rend prioritaire pour les pays de la zone UEMOA la nécessité de redoubler d’efforts pour combler les écarts de productivité. Ainsi en production de céréales par exemple, le rendement à l’hectare dans la zone UEMOA est 4 fois plus faible que dans l’Union Européenne ou en Chine. L’analyse des besoins d’investissements liés à la seule transition écologique tels qu’exprimés dans les engagements de développement durable 2020-2030 suggère que la zone a besoin de près de 120 milliards $US pour l’énergie (durables ou traditionnelles), l’agriculture (mécanisation et renforcement des techniques culturales), les infrastructures (y inclus numériques), ou encore le logement (y inclus social) selon les données de la Commission de l’UEMOA.

De même, les plans de riposte et de relance économique des États pour faire face à la Covid-19, estimés à près de 5 776,5 Mds FCFA (environ 9 milliards €), n’ont été financés qu’à hauteur de 26% (soit 1 503,7 milliards FCFA) à fin décembre 2020, dégageant un gap de financement restant à mobiliser de 4 272,8 Mds FCFA (environ 7 milliards €) (source Commission de l’UEMOA).

Un véhicule commun pour lever des ressources sur les marchés de capitaux internationaux

Dans un contexte où l’appétit des investisseurs internationaux pour le financement de projets liés à la transition écologique ne cesse de croître, l’accès aux marchés de capitaux internationaux pourrait permettre de substituer de la dette à échéance courte et chère par des ressources de maturités plus longues et moins onéreuses, rendant ainsi plus soutenable le service de la dette pour les pays de l’UEMOA. L’idée d’un véhicule commun pour lever des ressources sur les marchés de capitaux internationaux pourrait être mise sur la table. Ce mécanisme qui nécessiterait que la dette des États de la zone soit mutualisée pourrait être porté par un véhicule supranational disposant d’un « rating investment grade » qui émettrait des emprunts communautaires à l’instar des premières levées de fonds réalisées sur les marchés par la Commission de l’Union Européenne en vue de financer le plan de relance économique de 750 milliards € adopté l’été dernier. Et comme un tel véhicule devra être au préalable solidement capitalisé, il pourrait bénéficier du soutien financier opportun des pays du G20 qui ont encore récemment clairement exprimé leur volonté de réorienter une partie des DTS (droits de tirages spéciaux) prochainement alloués par le FMI vers le financement des économies africaines.